
Résumé:
Histoire d'une obsession, Le Lac retrace
la quête d'une perfection irréalisable, d'une
beauté hors de portée. Sans foyer, exclu de toute
douceur humaine, seul avec son poids de péchés sur le
coeur, Gimpei Momoï ne peut résister à la soif
inextinguible qui le pousse, au long des rues, à
s'attacher aux pas de belles inconnues, à les admirer de
loin tandis qu'elles avancent, magnifiques et inaccessibles -
car leur beauté n'est pas de ce monde mais participe d'un
rêve. La réalité, symbolisée par ses
propres pieds grotesquement difformes, poursuit Gimpei en tous
lieux. Et c'est le caractère inconciliable de ces deux
univers qui explique la texture déshumanisée,
ambiguë, furtive de l'érotisme dont cette oeuvre est
empreinte. Ce roman ne s'inscrit dans aucune forme
traditionnelle. C'est une sorte de « happening », et
en tout cas l'un des livres les plus modernes de conception et
d'allure du grand Kawabata. De même que
l'intérêt du héros peut, à tout moment,
être éveillé par une inconnue croisée dans
la rue, de même ici le passé surgit brutalement dans
le présent, ou bien l'hallucination pulvérise le
souvenir, ou encore la réalité crue jaillit lorsque
le voile du songe et des fantasmes se déchire. Ceux qui,
à la lecture de ses ouvrages précédents,
imaginaient que tout n'était que délicatesse et
demi-teintes chez l'auteur de Pays de neige et de La Danseuse
d'Izu, seront sans doute surpris par la sensualité
aiguë de certaines scènes et parle ton cruel du
livre. Le Lac apparaît comme si singulier, si inhabituel,
qu'il illumine d'un jour tout à fait nouveau l'ensemble de
l'oeuvre de Yasunari Kawabata.