
Résumé:
Entre le "récit de vie", très actuel, mené
par Daniel 1, un comique enrichi et veule, "observateur
acéré de la réalité contemporaine" (sous
les traits duquel on reconnaîtra aisément Michel
Houellebecq lui-même), et l’exégèse dans
un futur lointain de cette vie minable par Daniel 24 et Daniel
25, ses clones, on ne s’ennuie pas une seconde, on tourne
les pages avec un plaisir non feint, on a entre les mains un
bon roman d’anticipation… malgré la
philosophie et les hypothèses tendance "SF pour tous" de
l’intrigue (le clonage comme unique remède à
notre finitude, réalisé par une secte ressemblant
comme deux gouttes d’eau à celle des raéliens
et ayant supplanté les religions classiques…).
Au-delà du texte lui-même, on devra surtout admettre
cette vérité : Houellebecq est aujourd’hui
incontournable. Plus que jamais, il est la caisse de
résonance de notre société
déboussolée, plus que jamais il parvient à en
décrire l’aliénation et la détresse dans
des romans aux significations chaque fois complexes, à la
fois problématiques et polémiques.
Moralité : un roman à thèse à ne pas
prendre au pied de la lettre mais à épouser phrase
par phrase, dans ce qu’il transpire en terme de
désespoir incarné plutôt que dans ce qu’il
conceptualise quand même un peu poussivement. "La
littérature contre les idées ?" Houellebecq, au
cynisme tout célinien, est trop subtil pour
l’ignorer : la littérature est affaire
d’émotion et de vision du monde, pas de dissertation
philosophique... Ce pourquoi les plus belles pages de son
roman, les 150 dernières, sont, à leur manière,
d'un sentimentalisme extrême, fruit du désespoir
amoureux et de la traversée tragique du Désir du
narrateur et de ses doubles....
Houellebecq, un grand écrivain romantique épris
d'absolu ? Assurément.